Page:Zola - Germinal.djvu/287

Cette page a été validée par deux contributeurs.
287
GERMINAL.

puisait sur le carreau des fosses, la clientèle parlait de s’adresser en Belgique ; et il y avait là, pour l’avenir, une menace. Mais ce qui effrayait surtout la Compagnie, ce qu’elle cachait avec soin, c’étaient les dégâts croissants, dans les galeries et les tailles. Les porions ne suffisaient pas au raccommodage, les bois cassaient de toutes parts, des éboulements se produisaient à chaque heure. Bientôt, les désastres étaient devenus tels, qu’ils devaient nécessiter de longs mois de réparation, avant que l’abattage pût être repris. Déjà, des histoires couraient la contrée : à Crèvecœur, trois cents mètres de voie s’étaient effondrés d’un bloc, bouchant l’accès de la veine Cinq-Paumes ; à Madeleine, la veine Maugrétout s’émiettait et s’emplissait d’eau. La Direction refusait d’en convenir, lorsque, brusquement, deux accidents, l’un sur l’autre, l’avaient forcée d’avouer. Un matin, près de la Piolaine, on trouva le sol fendu au-dessus de la galerie nord de Mirou, éboulée de la veille ; et, le lendemain, ce fut un affaissement intérieur du Voreux qui ébranla tout un coin de faubourg, au point que deux maisons faillirent disparaître.

Étienne et les délégués hésitaient à risquer une démarche sans connaître les intentions de la Régie. Dansaert, qu’ils interrogèrent, évita de répondre : certainement, on déplorait le malentendu, on ferait tout au monde afin d’amener une entente ; mais il ne précisait pas. Ils finirent par décider qu’ils se rendraient près de M. Hennebeau, pour mettre la raison de leur côté ; car ils ne voulaient pas qu’on les accusât plus tard d’avoir refusé à la Compagnie une occasion de reconnaître ses torts. Seulement, ils jurèrent de ne céder sur rien, de maintenir quand même leurs conditions, qui étaient les seules justes.

L’entrevue eut lieu le mardi matin, le jour où le coron tombait à la misère noire. Elle fut moins cordiale