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LES ROUGON-MACQUART.

C’était vrai, elle le lui demandait depuis six mois. Il la regardait toujours, se collant à lui, l’étreignant de ses deux bras frissonnants, la face levée dans une telle supplication d’amour, qu’il en était très touché. Sa grosse figure ronde n’avait rien de beau, avec son teint jauni, mangé par le charbon ; mais ses yeux luisaient d’une flamme, il lui sortait de la peau un charme, un tremblement de désir, qui la rendait rose et toute jeune. Alors, devant ce don si humble, si ardent, il n’osa plus refuser.

— Oh ! tu veux bien, balbutia-t-elle, ravie, oh ! tu veux bien !

Et elle se livra dans une maladresse et un évanouissement de vierge, comme si c’était la première fois, et qu’elle n’eût jamais connu d’homme. Puis, quand il la quitta, ce fut elle qui déborda de reconnaissance : elle lui disait merci, elle lui baisait les mains.

Étienne demeura un peu honteux de cette bonne fortune. On ne se vantait pas d’avoir eu la Mouquette. En s’en allant, il se jura de ne point recommencer. Et il lui gardait un souvenir amical pourtant, elle était une brave fille.

Quand il rentra au coron, d’ailleurs, des choses graves qu’il apprit, lui firent oublier l’aventure. Le bruit courait que la Compagnie consentirait peut-être à une concession, si les délégués tentaient une nouvelle démarche près du directeur. Du moins, des porions avaient répandu ce bruit. La vérité était que, dans la lutte engagée, la mine souffrait plus encore que les mineurs. Des deux côtés, l’obstination entassait des ruines : tandis que le travail crevait de faim, le capital se détruisait. Chaque jour de chômage emportait des centaines de mille francs. Toute machine qui s’arrête, est une machine morte. L’outillage et le matériel s’altéraient, l’argent immobilisé fondait, comme une eau bue par du sable. Depuis que le faible stock de houille s’é-