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LES ROUGON-MACQUART.

les leur remettrai, et ils les distribueront… Plus tard, on réglera tout.

Rasseneur s’élança, protesta encore. De son côté, Étienne s’agitait, ayant à prononcer un discours. Une confusion extrême s’ensuivit. Levaque lançait les poings en avant, comme pour se battre. Debout, Maheu parlait, sans qu’on pût distinguer un seul mot. Dans ce redoublement de tumulte, une poussière montait du parquet, la poussière volante des anciens bals, empoisonnant l’air de l’odeur forte des herscheuses et des galibots.

Brusquement, la petite porte s’ouvrit, la veuve Désir l’emplit de son ventre et de sa gorge, en disant d’une voix tonnante :

— Taisez-vous donc, nom de Dieu !… V’là les gendarmes !

C’était le commissaire de l’arrondissement qui arrivait, un peu tard, pour dresser procès-verbal et dissoudre la réunion. Quatre gendarmes l’accompagnaient. Depuis cinq minutes, la veuve les amusait à la porte, en répondant qu’elle était chez elle, qu’on avait bien le droit de réunir des amis. Mais on l’avait bousculée, et elle accourait prévenir ses enfants.

— Faut filer par ici, reprit-elle. Il y a un sale gendarme qui garde la cour. Ça ne fait rien, mon petit bûcher ouvre sur la ruelle… Dépêchez-vous donc !

Déjà, le commissaire frappait à coups de poing ; et, comme on n’ouvrait pas, il menaçait d’enfoncer la porte. Un mouchard avait dû parler, car il criait que la réunion était illégale, un grand nombre de mineurs se trouvant là sans lettre d’invitation.

Dans la salle, le trouble augmentait. On ne pouvait se sauver ainsi, on n’avait pas même voté, ni pour l’adhésion, ni pour la continuation de la grève. Tous s’entêtaient à parler à la fois. Enfin, le président eut l’idée d’un vote par acclamation. Des bras se levèrent, les