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LES ROUGON-MACQUART.

sans un arrêt, toujours affamé, de boyaux géants capables de digérer un peuple. Cela s’emplissait, s’emplissait encore, et les ténèbres restaient mortes, la cage montait du vide dans le même silence vorace.

Étienne, à la longue, fut repris du malaise qu’il avait éprouvé déjà sur le terri. Pourquoi s’entêter ? ce maître-porion le congédierait comme les autres. Une peur vague le décida brusquement : il s’en alla, il ne s’arrêta dehors que devant le bâtiment des générateurs. La porte, grande ouverte, laissait voir sept chaudières à deux foyers. Au milieu de la buée blanche, dans le sifflement des fuites, un chauffeur était occupé à charger un des foyers, dont l’ardente fournaise se faisait sentir jusque sur le seuil ; et le jeune homme, heureux d’avoir chaud, s’approchait, lorsqu’il rencontra une nouvelle bande de charbonniers, qui arrivait à la fosse. C’étaient les Maheu et les Levaque. Quand il aperçut, en tête, Catherine avec son air doux de garçon, l’idée superstitieuse lui vint de risquer une dernière demande.

— Dites donc, camarade, on n’a pas besoin d’un ouvrier ici, pour n’importe quel travail ?

Elle le regarda, surprise, un peu effrayée de cette voix brusque qui sortait de l’ombre. Mais, derrière elle, Maheu avait entendu, et il répondit, il causa un instant. Non, on n’avait besoin de personne. Ce pauvre diable d’ouvrier, perdu sur les routes, l’intéressait. Lorsqu’il le quitta, il dit aux autres :

— Hein ! On pourrait être comme ça… Faut pas se plaindre, tous n’ont pas du travail à crever.

La bande entra et alla droit à la baraque, vaste salle grossièrement crépie, entourée d’armoires que fermaient des cadenas. Au centre, une cheminée de fer, une sorte de poêle sans porte, était rouge, si bourrée de houille incandescente, que des morceaux craquaient et