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LES ROUGON-MACQUART.

dernier bal remontaient du parquet. Des chuchottements coururent, les têtes se tournèrent, pendant que les nouveaux venus s’asseyaient aux places vides. On regardait le monsieur de Lille, la redingote noire causait une surprise et un malaise.

Mais, immédiatement, sur la proposition d’Étienne, on constitua le bureau. Il lançait des noms, les autres approuvaient en levant la main. Pluchart fut nommé président, puis on désigna comme assesseurs Maheu et Étienne lui-même. Il y eut un remuement de chaises, le bureau s’installait ; et l’on chercha un instant le président disparu derrière la table, sous laquelle il glissait la caisse, qu’il n’avait pas lâchée. Quand il reparut, il tapa légèrement du poing pour réclamer l’attention ; ensuite, il commença d’une voix enrouée :

— Citoyens…

Une petite porte s’ouvrit, il dut s’interrompre. C’était la veuve Désir, qui, faisant le tour par la cuisine, apportait six chopes sur un plateau.

— Ne vous dérangez pas, murmura-t-elle. Lorsqu’on parle, on a soif.

Maheu la débarrassa et Pluchart put continuer. Il se dit très touché du bon accueil des travailleurs de Montsou, il s’excusa de son retard, en parlant de sa fatigue et de sa gorge malade. Puis, il donna la parole au citoyen Rasseneur, qui la demandait.

Déjà, Rasseneur se plantait à côté de la table, près des chopes. Une chaise retournée lui servait de tribune. Il semblait très ému, il toussa avant de lancer à pleine voix :

— Camarades…

Ce qui faisait son influence sur les ouvriers des fosses, c’était la facilité de sa parole, la bonhomie avec laquelle il pouvait leur parler pendant des heures, sans jamais se lasser. Il ne risquait aucun geste, restait lourd et