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LES ROUGON-MACQUART.

N’ai-je pas raison de vouloir agir ?… Le mieux, n’est-ce pas ? est de nous mettre de cette Association.

Souvarine, après avoir soufflé lentement un jet de fumée, répondit par son mot favori :

— Oui, des bêtises ! mais, en attendant, c’est toujours ça… D’ailleurs, leur Internationale va marcher bientôt. Il s’en occupe.

— Qui donc ?

— Lui !

Il avait prononcé ce mot à demi-voix, d’un air de ferveur religieuse, en jetant un regard vers l’Orient. C’était du maître qu’il parlait, de Bakounine l’exterminateur.

— Lui seul peut donner le coup de massue, continua-t-il, tandis que tes savants sont des lâches, avec leur évolution… Avant trois ans, l’Internationale, sous ses ordres, doit écraser le vieux monde.

Étienne tendait les oreilles, très attentif. Il brûlait de s’instruire, de comprendre ce culte de la destruction, sur lequel le machineur ne lâchait que de rares paroles obscures, comme s’il eût gardé pour lui les mystères.

— Mais enfin explique-moi… Quel est votre but ?

— Tout détruire… Plus de nations, plus de gouvernements, plus de propriété, plus de Dieu ni de culte.

— J’entends bien. Seulement, à quoi ça vous mène-t-il ?

— À la commune primitive et sans forme, à un monde nouveau, au recommencement de tout.

— Et les moyens d’exécution ? comment comptez-vous vous y prendre ?

— Par le feu, par le poison, par le poignard. Le brigand est le vrai héros, le vengeur populaire, le révolutionnaire en action, sans phrases puisées dans les livres. Il faut qu’une série d’effroyables attentats épouvantent les puissants et réveillent le peuple.

En parlant, Souvarine devenait terrible. Une extase le