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GERMINAL.

crevât d’un coup, si l’on devait continuer à crever en détail, de famine et d’injustice. Des lectures mal digérées lui revenaient, des exemples de peuples qui avaient incendié leurs villes pour arrêter l’ennemi, des histoires vagues où les mères sauvaient les enfants de l’esclavage, en leur cassant la tête sur le pavé, où les hommes se laissaient mourir d’inanition, plutôt que de manger le pain des tyrans. Cela l’exaltait, une gaieté rouge se dégageait de sa crise de noire tristesse, chassant le doute, lui faisant honte de cette lâcheté d’une heure. Et, dans ce réveil de sa foi, des bouffées d’orgueil reparaissaient et l’emportaient plus haut, la joie d’être le chef, de se voir obéi jusqu’au sacrifice, le rêve élargi de sa puissance, le soir du triomphe. Déjà, il imaginait une scène d’une grandeur simple, son refus du pouvoir, l’autorité remise entre les mains du peuple, quand il serait le maître.

Mais il s’éveilla, il tressaillit à la voix de Maheu qui lui contait sa chance, une truite superbe pêchée et vendue trois francs. On aurait de la soupe. Alors, il laissa le camarade retourner seul au coron, en lui disant qu’il le suivait ; et il entra s’attabler à l’Avantage, il attendit le départ d’un client pour avertir nettement Rasseneur qu’il allait écrire à Pluchart de venir tout de suite. Sa résolution était prise, il voulait organiser une réunion privée, car la victoire lui semblait certaine, si les charbonniers de Montsou adhéraient en masse à l’Internationale.