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LES ROUGON-MACQUART.

Et, comme elle se réfugiait dans un angle, il retomba sur la mère.

— Un joli métier de garder la maison, pendant que ta putain de fille est là-haut, les jambes en l’air !

Enfin, il tenait le poignet de Catherine, il la secouait, la traînait dehors. À la porte, il se retourna de nouveau vers la Maheude, clouée sur sa chaise. Elle en avait oublié de rentrer son sein. Estelle s’était endormie, le nez glissé en avant, dans la jupe de laine ; et le sein énorme pendait, libre et nu, comme une mamelle de vache puissante.

— Quand la fille n’y est pas, c’est la mère qui se fait tamponner, cria Chaval. Va, montre-lui ta viande ! Il n’est pas dégoûté, ton salaud de logeur !

Du coup, Étienne voulut gifler le camarade. La peur d’ameuter le coron par une bataille l’avait retenu de lui arracher Catherine des mains. Mais, à son tour, une rage l’emportait, et les deux hommes se trouvèrent face à face, le sang dans les yeux. C’était une vieille haine, une jalousie longtemps inavouée, qui éclatait. Maintenant, il fallait que l’un des deux mangeât l’autre.

— Prends garde ! balbutia Étienne, les dents serrées. J’aurai ta peau.

— Essaye ! répondit Chaval.

Ils se regardèrent encore pendant quelques secondes, de si près, que leur souffle ardent brûlait leur visage. Et ce fut Catherine, suppliante, qui reprit la main de son amant pour l’entraîner. Elle le tirait hors du coron, elle fuyait, sans tourner la tête.

— Quelle brute ! murmura Étienne en fermant la porte violemment, agité d’une telle colère, qu’il dut se rasseoir.

En face de lui, la Maheude n’avait pas remué. Elle eut un grand geste, et un silence se fit, pénible et lourd des choses qu’ils ne disaient pas. Malgré son effort, il revenait