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GERMINAL.

blait ainsi, que bouleversée d’être traitée en gueuse devant ce garçon, dont la présence l’oppressait et la désespérait.

Étienne, cependant, s’était levé, en affectant de secouer le feu à demi éteint, pour ne pas gêner l’explication. Mais leurs regards se rencontrèrent, il la trouvait pâle, éreintée, jolie quand même avec ses yeux si clairs, dans sa face qui se tannait ; et il éprouva un singulier sentiment, sa rancune était partie, il aurait simplement voulu qu’elle fût heureuse, chez cet homme qu’elle lui avait préféré. C’était un besoin de s’occuper d’elle encore, une envie d’aller à Montsou forcer l’autre à des égards. Mais elle ne vit que de la pitié dans cette tendresse qui s’offrait toujours, il devait la mépriser pour la dévisager de la sorte. Alors, son cœur se serra tellement, qu’elle étrangla sans pouvoir bégayer d’autres paroles d’excuse.

— C’est ça, tu fais mieux de te taire, reprit la Maheude implacable. Si tu reviens pour rester, entre ; autrement, file tout de suite, et estime-toi heureuse que je sois embarrassée, car je t’aurais déjà fichu mon pied quelque part.

Comme si, brusquement, cette menace se réalisait, Catherine reçut dans le derrière, à toute volée, un coup de pied dont la violence l’étourdit de surprise et de douleur. C’était Chaval, entré d’un bond par la porte ouverte, qui lui allongeait une ruade de bête mauvaise. Depuis une minute, il la guettait du dehors.

— Ah ! salope, hurla-t-il, je t’ai suivie, je savais bien que tu revenais ici t’en faire foutre jusqu’au nez ! Et c’est toi qui le paies, hein ? Tu l’arroses de café avec mon argent !

La Maheude et Étienne, stupéfiés, ne bougeaient pas. D’un geste furibond, Chaval chassait Catherine vers la porte.

— Sortiras-tu, nom de Dieu !