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GERMINAL.

Un découragement les accabla, Étienne lui-même eut un haussement d’épaules pour leur dire que le mieux était de s’en aller ; tandis que M. Hennebeau tapait amicalement sur le bras de Maheu, en lui demandant des nouvelles de Jeanlin.

— En voilà une rude leçon cependant, et c’est vous qui défendez les mauvais boisages !… Vous réfléchirez, mes amis, vous comprendrez qu’une grève serait un désastre pour tout le monde. Avant une semaine, vous mourrez de faim : comment ferez-vous ?… Je compte sur votre sagesse d’ailleurs, et je suis convaincu que vous redescendrez lundi au plus tard.

Tous partaient, quittaient le salon dans un piétinement de troupeau, le dos arrondi, sans répondre un mot à cet espoir de soumission. Le directeur, qui les accompagnait, fut obligé de résumer l’entretien : la Compagnie d’un côté avec son nouveau tarif, les ouvriers de l’autre avec leur demande d’une augmentation de cinq centimes par berline. Pour ne leur laisser aucune illusion, il crut devoir les prévenir que leurs conditions seraient certainement repoussées par la Régie.

— Réfléchissez avant de faire des bêtises, répéta-t-il, inquiet de leur silence.

Dans le vestibule, Pierron salua très bas, pendant que Levaque affectait de remettre sa casquette. Maheu cherchait un mot pour partir, lorsque Étienne, de nouveau, le toucha du coude. Et tous s’en allèrent, au milieu de ce silence menaçant. La porte seule retomba, à grand bruit.

Lorsque M. Hennebeau rentra dans la salle à manger, il retrouva ses convives immobiles et muets, devant les liqueurs. En deux mots, il mit au courant Deneulin, dont le visage acheva de s’assombrir. Puis, tandis qu’il buvait son café froid, on tâcha de parler d’autre chose. Mais les Grégoire eux-mêmes revinrent à la grève,