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LES ROUGON-MACQUART.

coulèrent. Leur gêne augmentait, dans le bien-être de cette pièce riche, si confortablement close.

Enfin, M. Hennebeau entra, boutonné militairement, portant à sa redingote le petit nœud correct de sa décoration. Il parla le premier.

— Ah ! vous voilà !… Vous vous révoltez, à ce qu’il paraît…

Et il s’interrompit, pour ajouter avec une raideur polie :

— Asseyez-vous, je ne demande pas mieux que de causer.

Les mineurs se tournèrent, cherchèrent des sièges du regard. Quelques-uns se risquèrent sur les chaises ; tandis que les autres, inquiétés par les soies brodées, préféraient se tenir debout.

Il y eut un silence. M. Hennebeau, qui avait roulé son fauteuil devant la cheminée, les dénombrait vivement, tâchait de se rappeler leurs visages. Il venait de reconnaître Pierron, caché au dernier rang ; et ses yeux s’étaient arrêtés sur Étienne, assis en face de lui.

— Voyons, demanda-t-il, qu’avez-vous à me dire ?

Il s’attendait à entendre le jeune homme prendre la parole, et il fut tellement surpris de voir Maheu s’avancer qu’il ne put s’empêcher d’ajouter encore :

— Comment ! c’est vous, un bon ouvrier qui s’est toujours montré si raisonnable, un ancien de Montsou dont la famille travaille au fond depuis le premier coup de pioche !… Ah ! c’est mal, ça me chagrine que vous soyez à la tête des mécontents !

Maheu écoutait, les yeux baissés. Puis, il commença, la voix hésitante et sourde d’abord.

— Monsieur le directeur, c’est justement parce que je suis un homme tranquille, auquel on n’a rien à reprocher, que les camarades m’ont choisi. Cela doit vous prouver qu’il ne s’agit pas d’une révolte de tapageurs,