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GERMINAL.

qui n’en avait pas besoin… Ah ! c’est dégoûtant, voyez-vous ! On en arrivera à ne plus faire d’enfant.

Et, comme Étienne ne répondait toujours que par des hochements de tête, elle insista.

— Une fille qui allait tous les soirs où elle voulait ! Qu’a-t-elle donc dans la peau ? Ne pas pouvoir attendre que je la marie, après qu’elle nous aurait aidés à sortir du pétrin ! Hein ? c’était naturel, on a une fille pour qu’elle travaille… Mais voilà, nous avons été trop bons, nous n’aurions pas dû lui permettre de se distraire avec un homme. On leur en accorde un bout, et elles en prennent long comme ça.

Alzire approuvait de la tête. Lénore et Henri, saisis de cet orage, pleuraient tout bas, tandis que la mère, maintenant, énumérait leurs malheurs : d’abord, Zacharie qu’il avait fallu marier ; puis, le vieux Bonnemort qui était là, sur sa chaise, avec ses pieds tordus ; puis, Jeanlin qui ne pourrait quitter la chambre avant dix jours, les os mal recollés ; et, enfin, le dernier coup, cette garce de Catherine partie avec un homme ! Toute la famille se cassait. Il ne restait que le père à la fosse. Comment vivre, sept personnes, sans compter Estelle, sur les trois francs du père ? Autant se jeter en chœur dans le canal.

— Ça n’avance à rien que tu te ronges, dit Maheu d’une voix sourde. Nous ne sommes pas au bout peut-être.

Étienne, qui regardait fixement les dalles, leva la tête et murmura, les yeux perdus dans une vision d’avenir :

— Ah ! il est temps, il est temps !