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LES ROUGON-MACQUART.

aussi le cadavre ; et l’ingénieur donna des ordres pour qu’on attelât le fourgon et qu’on apportât un brancard. L’enfant blessé fut mis sur le brancard, pendant qu’on emballait dans le fourgon le matelas et le mort.

À la porte, des herscheuses stationnaient toujours, causant avec des mineurs qui s’attardaient, pour voir. Lorsque la chambre des porions se rouvrit, un silence régna dans le groupe. Et il se forma un nouveau cortège, le fourgon devant, le brancard derrière, puis la queue du monde. On quitta le carreau de la mine, on monta lentement la route en pente du coron. Les premiers froids de novembre avaient dénudé l’immense plaine, une nuit lente l’ensevelissait, comme un linceul tombé du ciel livide.

Étienne, alors, conseilla tout bas à Maheu d’envoyer Catherine prévenir la Maheude, pour amortir le coup. Le père, qui suivait le brancard, l’air assommé, consentit d’un signe ; et la jeune fille partit en courant, car on arrivait. Mais déjà le fourgon, cette boîte sombre bien connue, était signalé. Des femmes sortaient follement sur les trottoirs, trois ou quatre galopaient d’angoisse, sans bonnet. Bientôt, elles furent trente, puis cinquante, toutes étranglées de la même terreur. Il y avait donc un mort ? qui était-ce ? L’histoire racontée par Levaque, après les avoir rassurées toutes, les jetait maintenant à une exagération de cauchemar : ce n’était plus un homme, c’étaient dix qui avaient péri, et que le fourgon allait ramener ainsi, un à un.

Catherine avait trouvé sa mère agitée d’un pressentiment ; et, dès les premiers mots balbutiés, celle-ci cria :

— Le père est mort !

Vainement, la jeune fille protestait, parlait de Jeanlin. Sans entendre, la Maheude s’était élancée. Et, en voyant le fourgon qui débouchait devant l’église, elle avait défailli, toute pâle. Sur les portes, des femmes, muettes de