Page:Zola - Germinal.djvu/214

Cette page a été validée par deux contributeurs.
214
LES ROUGON-MACQUART.

crochage. Ce convoi sous la terre, au milieu des épaisses ténèbres, n’en finissait plus, le long des galeries qui bifurquaient, tournaient, se déroulaient.

À l’accrochage, Richomme, venu en avant, avait donné l’ordre qu’une cage vide fût réservée. Pierron emballa tout de suite les deux berlines. Dans l’une, Maheu resta avec son petit blessé sur les genoux, pendant que, dans l’autre, Étienne devait garder, entre ses bras, le cadavre de Chicot, pour qu’il pût tenir. Lorsque les ouvriers se furent entassés aux autres étages, la cage monta. On mit deux minutes. La pluie du cuvelage tombait très froide, les hommes regardaient en l’air, impatients de revoir le jour.

Heureusement, un galibot, envoyé chez le docteur Vanderhaghen, l’avait trouvé et le ramenait. Jeanlin et le mort furent portés dans la chambre des porions, où, d’un bout de l’année à l’autre, brûlait un grand feu. On rangea les seaux d’eau chaude, tout prêts pour le lavage des pieds ; et, après avoir étalé deux matelas sur les dalles, on y coucha l’homme et l’enfant. Seuls, Maheu et Étienne entrèrent. Dehors, des herscheuses, des mineurs, des galopins accourus faisaient un groupe, causaient à voix basse.

Dès que le médecin eut donné un coup d’œil à Chicot, il murmura :

— Fichu !… Vous pouvez le laver.

Deux surveillants déshabillèrent, puis lavèrent à l’éponge ce cadavre noir de charbon, sale encore de la sueur du travail.

— La tête n’a rien, avait repris le docteur, agenouillé sur le matelas de Jeanlin. La poitrine non plus… Ah ! ce sont les jambes qui ont étrenné.

Lui-même déshabillait l’enfant, dénouait le béguin, ôtait la veste, tirait les culottes et la chemise, avec une adresse de nourrice. Et le pauvre petit corps apparut,