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GERMINAL.

ouvert la porte d’aérage d’un coup de tête, Bataille de nouveau refusa d’avancer, hennissant, tremblant. Enfin, il se décida, fila d’un trait.

Jeanlin, qui refermait la porte, était resté en arrière. Il se baissa, regarda la mare où il pataugeait ; puis, élevant sa lampe, il s’aperçut que les bois avaient fléchi, sous le suintement continu d’une source. Justement, un haveur, un nommé Berloque dit Chicot, arrivait de sa taille, pressé de revoir sa femme, qui était en couches. Lui aussi s’arrêta, examina le boisage. Et, tout d’un coup, comme le petit allait s’élancer pour rejoindre son train, un craquement formidable s’était fait entendre, l’éboulement avait englouti l’homme et l’enfant.

Il y eut un grand silence. Poussée par le vent de la chute, une poussière épaisse montait dans les voies. Et, aveuglés, étouffés, les mineurs descendaient de toutes parts, des chantiers les plus lointains, avec leurs lampes dansantes, qui éclairaient mal ce galop d’hommes noirs, au fond de ces trous de taupe. Lorsque les premiers butèrent contre l’éboulement, ils crièrent, appelèrent les camarades. Une seconde bande, venue par la taille du fond, se trouvait de l’autre côté des terres, dont la masse bouchait la galerie. Tout de suite, on constata que le toit s’était effondré sur une dizaine de mètres au plus. Le dommage n’avait rien de grave. Mais les cœurs se serrèrent, lorsqu’un râle de mort sortit des décombres.

Bébert, lâchant son train, accourait en répétant :

— Jeanlin est dessous ! Jeanlin est dessous !

Maheu, à ce moment même, déboulait de la cheminée, avec Zacharie et Étienne. Il fut pris d’une fureur de désespoir, il ne lâcha que des jurons.

— Nom de Dieu ! nom de Dieu ! nom de Dieu !

Catherine, Lydie, la Mouquette, qui avaient galopé aussi, se mirent à sangloter, à hurler d’épouvante, au milieu de l’effrayant désordre, que les ténèbres augmen-