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GERMINAL.

mis. Vingt francs d’amendes pour boisages défectueux.

Le haveur eut un geste désespéré. Vingt francs d’amendes, quatre journées de chômage ! Alors, le compte y était. Dire qu’il avait rapporté jusqu’à des quinzaines de cent cinquante francs, lorsque le père Bonnemort travaillait et que Zacharie n’était pas encore en ménage !

— À la fin le prenez-vous ? cria le caissier impatienté. Vous voyez bien qu’un autre attend… Si vous n’en voulez pas, dites-le.

Comme Maheu se décidait à ramasser l’argent de sa grosse main tremblante, l’employé le retint.

— Attendez, j’ai là votre nom. Toussaint Maheu, n’est-ce pas ?… Monsieur le secrétaire général désire vous parler. Entrez, il est seul.

Étourdi, l’ouvrier se trouva dans un cabinet, meublé de vieil acajou, tendu de reps vert déteint. Et il écouta pendant cinq minutes le secrétaire général, un grand monsieur blême, qui lui parlait par dessus les papiers de son bureau, sans se lever. Mais le bourdonnement de ses oreilles l’empêchait d’entendre. Il comprit vaguement qu’il était question de son père, dont la retraite allait être mise à l’étude, pour la pension de cent cinquante francs, cinquante ans d’âge et quarante années de service. Puis, il lui sembla que la voix du secrétaire devenait plus dure. C’était une réprimande, on l’accusait de s’occuper de politique, une allusion fut faite à son logeur et à la caisse de prévoyance ; enfin, on lui conseillait de ne pas se compromettre dans ces folies, lui qui était un des meilleurs ouvriers de la fosse. Il voulut protester, ne put prononcer que des mots sans suite, tordit sa casquette entre ses doigts fébriles, et se retira, en bégayant :

— Certainement, monsieur le secrétaire… J’assure à monsieur le secrétaire…