Page:Zola - Germinal.djvu/202

Cette page a été validée par deux contributeurs.
202
LES ROUGON-MACQUART.

— Nom de Dieu de nom de Dieu ! répéta Maheu en relevant la tête. Nous sommes des jeans-foutre, si nous acceptons ça !

Mais le guichet se trouvait libre, il s’approcha pour être payé. Les chefs de marchandage se présentaient seuls à la caisse, puis répartissaient l’argent entre leurs hommes, ce qui gagnait du temps.

— Maheu et consorts, dit le commis, veine Filonnière, taille numéro sept.

Il cherchait sur les listes, que l’on dressait en dépouillant les livrets, où les porions, chaque jour et par chantier, relevaient le nombre des berlines extraites. Puis, il répéta :

— Maheu et consorts, veine Filonnière, taille numéro sept… Cent trente-cinq francs.

Le caissier paya.

— Pardon, monsieur, balbutia le haveur saisi, êtes-vous sûr de ne pas vous tromper ?

Il regardait ce peu d’argent, sans le ramasser, glacé d’un petit frisson qui lui coulait au cœur. Certes, il s’attendait à une paie mauvaise, mais elle ne pouvait se réduire à si peu, ou il devait avoir mal compté. Lorsqu’il aurait remis leur part à Zacharie, à Étienne et à l’autre camarade qui remplaçait Chaval, il lui resterait au plus cinquante francs pour lui, son père, Catherine et Jeanlin.

— Non, non je ne me trompe pas, reprit l’employé. Il faut enlever deux dimanches et quatre jours de chômage : donc, ça vous fait neuf jours de travail.

Maheu suivait ce calcul, additionnait tout bas : neuf jours donnaient à lui environ trente francs, dix-huit à Catherine, neuf à Jeanlin. Quant au père Bonnemort, il n’avait que trois journées. N’importe, en ajoutant les quatre-vingt-dix francs de Zacharie et des deux camarades, ça faisait sûrement davantage.

— Et n’oubliez pas les amendes, acheva le com-