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LES ROUGON-MACQUART.

ment furieux, en jetant un regard oblique sur Étienne. Depuis le renouvellement du marchandage, il s’était embauché avec d’autres, mordu peu à peu d’envie contre le camarade, ce dernier venu qui se posait en maître, et dont tout le coron, disait-il, léchait les bottes. Cela se compliquait d’une querelle d’amoureux, il n’emmenait plus Catherine à Réquillart ou derrière le terri, sans l’accuser, en termes abominables, de coucher avec le logeur de sa mère ; puis, il la tuait de caresses, repris pour elle d’un sauvage désir.

Maheu lui adressa une autre question.

— Est-ce que le Voreux passe ?

Et comme il tournait le dos, après avoir dit oui, d’un signe de tête, les deux hommes se décidèrent à entrer aux Chantiers.

La caisse était une petite pièce rectangulaire, séparée en deux par un grillage. Sur les bancs, le long des murs, cinq ou six mineurs attendaient ; tandis que le caissier, aidé d’un commis, en payait un autre, debout devant le guichet, sa casquette à la main. Au-dessus du banc de gauche, une affiche jaune se trouvait collée, toute fraîche dans le gris enfumé des plâtres ; et c’était là que, depuis le matin, défilaient continuellement des hommes. Ils entraient par deux ou par trois, restaient plantés, puis s’en allaient sans un mot, avec une secousse des épaules, comme si on leur eût cassé l’échine.

Il y avait justement deux charbonniers devant l’affiche, un jeune à tête carrée de brute, un vieux très maigre, la face hébétée par l’âge. Ni l’un ni l’autre ne savait lire, le jeune épelait en remuant les lèvres, le vieux se contentait de regarder stupidement. Beaucoup entraient ainsi, pour voir, sans comprendre.

— Lis-nous donc ça, dit à son compagnon Maheu, qui n’était pas fort non plus sur la lecture.

Alors, Étienne se mit à lire l’affiche. C’était un avis de