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GERMINAL.

d’un bond, fuyant sous les pierres d’une bande de galibots ; et, dans son effarement, les oreilles rabattues, la queue retroussée, elle vint se réfugier contre ses jambes, l’implorant, le grattant, pour qu’il la prît. Quand il l’eût couchée sur ses genoux, il l’abrita de ses deux mains, il tomba dans cette sorte de somnolence rêveuse, où le plongeait la caresse de ce poil doux et tiède.

Presque aussitôt, Maheu entra. Il ne voulut rien boire, malgré l’insistance polie de madame Rasseneur, qui vendait sa bière comme si elle l’eût offerte. Étienne s’était levé, et tous deux partirent pour Montsou.

Les jours de paie aux Chantiers de la Compagnie, Montsou semblait en fête, comme par les beaux dimanches de ducasse. De tous les corons arrivait une cohue de mineurs. Le bureau du caissier étant très petit, ils préféraient attendre à la porte, ils stationnaient par groupes sur le pavé, barraient la route d’une queue de monde renouvelée sans cesse. Des camelots profitaient de l’occasion, s’installaient avec leurs bazars roulants, étalaient jusqu’à de la faïence et de la charcuterie. Mais c’étaient surtout les estaminets et les débits qui faisaient une bonne recette, car les mineurs, avant d’être payés, allaient prendre patience devant les comptoirs, puis y retournaient arroser leur paie, dès qu’ils l’avaient en poche. Encore se montraient-ils très sages, lorsqu’ils ne l’achevaient pas au Volcan.

À mesure que Maheu et Étienne avancèrent au milieu des groupes, ils sentirent, ce jour-là, monter une exaspération sourde. Ce n’était pas l’ordinaire insouciance de l’argent touché et écorné dans les cabarets. Des poings se serraient, des mots violents couraient de bouche en bouche.

— C’est vrai, alors ? demanda Maheu à Chaval, qu’il rencontra devant l’estaminet Piquette, ils ont fait la saleté ?

Mais Chaval se contenta de répondre par un grogne-