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GERMINAL.

que réunissait, au centre, une couronne des mêmes fleurs ; tandis que, le long des murs, saignaient des écussons dorés, portant des noms de saints, saint Éloi, patron des ouvriers du fer, saint Crépin, patron des cordonniers, sainte Barbe, patronne des mineurs, tout le calendrier des corporations. Le plafond était si bas, que les trois musiciens, dans leur tribune, grande comme une chaire à prêcher, s’écrasaient la tête. Pour éclairer, le soir, on accrochait quatre lampes à pétrole, aux quatre coins du bal.

Ce dimanche-là, dès cinq heures, on dansait, au plein jour des fenêtres. Mais ce fut vers sept heures que les salles s’emplirent. Dehors, un vent d’orage s’était levé, soufflant de grandes poussières noires, qui aveuglaient le monde et grésillaient dans les poêles de friture. Maheu, Étienne et Pierron, entrés pour s’asseoir, venaient de retrouver au Bon-Joyeux Chaval, dansant avec Catherine, tandis que Philomène, toute seule, les regardait. Ni Levaque ni Zacharie n’avaient reparu. Comme il n’y avait pas de bancs autour du bal, Catherine, après chaque danse, se reposait à la table de son père. On appela Philomène, mais elle était mieux debout. Le jour tombait, les trois musiciens faisaient rage, on ne voyait plus, dans la salle, que le remuement des hanches et des gorges, au milieu d’une confusion de bras. Un vacarme accueillit les quatre lampes, et brusquement tout s’éclaira, les faces rouges, les cheveux dépeignés, collés à la peau, les jupes volantes, balayant l’odeur forte des couples en sueur. Maheu montra à Étienne la Mouquette, qui, ronde et grasse comme une vessie de saindoux, tournait violemment aux bras d’un grand moulineur maigre : elle avait dû se consoler et prendre un homme.

Enfin, il était huit heures, lorsque la Maheude parut, ayant au sein Estelle et suivie de sa marmaille, Alzire, Henri et Lénore. Elle venait tout droit retrouver là son