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LES ROUGON-MACQUART.

Maheu arrivait avec sa société, et il calma Catherine et Philomène, déjà en larmes. On riait maintenant dans la foule, le cloutier avait disparu. Pour achever de noyer ça, Chaval, qui était chez lui à l’estaminet Piquette, offrit des chopes. Étienne dut trinquer avec Catherine, tous burent ensemble, le père, la fille et son galant, le fils et sa maîtresse, en disant poliment : « À la santé de la compagnie ! » Pierron ensuite s’obstina à payer sa tournée. Et l’on était très d’accord, lorsque Zacharie fut repris d’une rage, à la vue de son camarade Mouquet. Il l’appela, pour aller faire, disait-il, son affaire au cloutier.

— Faut que je le crève !… Tiens ! Chaval, garde Philomène avec Catherine. Je vais revenir.

Maheu, à son tour, offrait des chopes. Après tout, si le garçon voulait venger sa sœur, ce n’était pas d’un mauvais exemple. Mais, depuis qu’elle avait vu Mouquet, Philomène, tranquillisée, hochait la tête. Bien sûr que les deux bougres avaient filé au Volcan.

Les soirs de ducasse, on terminait la fête au bal du Bon-Joyeux. C’était la veuve Désir qui tenait ce bal, une forte mère de cinquante ans, d’une rotondité de tonneau, mais d’une telle verdeur, qu’elle avait encore six amoureux, un pour chaque jour de la semaine, disait-elle, et les six à la fois le dimanche. Elle appelait tous les charbonniers ses enfants, attendrie à l’idée du fleuve de bière qu’elle leur versait depuis trente années ; et elle se vantait aussi que pas une herscheuse ne devenait grosse, sans s’être, à l’avance, dégourdi les jambes chez elle. Le Bon-Joyeux se composait de deux salles : le cabaret, où se trouvaient le comptoir et des tables ; puis, communiquant de plain-pied par une large baie, le bal, vaste pièce planchéiée au milieu seulement, dallée de briques autour. Une décoration l’ornait, deux guirlandes de fleurs en papier qui se croisaient d’un angle à l’autre du plafond, et