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LES ROUGON-MACQUART.

le mineur hochait la tête à la lecture que le jeune homme lui faisait des conditions. En effet, le lendemain, quand ils furent descendus et qu’il l’eut emmené visiter la veine, il lui fit remarquer l’éloignement de l’accrochage, la nature ébouleuse du terrain, le peu d’épaisseur et la dureté du charbon. Pourtant, si l’on voulait manger, il fallait travailler. Aussi, le dimanche suivant, allèrent-ils aux enchères, qui avaient lieu dans la baraque, et que l’ingénieur de la fosse, assisté du maître-porion, présidait, en l’absence de l’ingénieur divisionnaire. Cinq à six cents charbonniers se trouvaient là, en face de la petite estrade, plantée dans un coin ; et les adjudications marchaient d’un tel train, qu’on entendait seulement un sourd tumulte de voix, des chiffres criés, étouffés par d’autres chiffres.

Un instant, Maheu eut peur de ne pouvoir obtenir un des quarante marchandages offerts par la Compagnie. Tous les concurrents baissaient, inquiets des bruits de crise, pris de la panique du chômage. L’ingénieur Négrel ne se pressait pas devant cet acharnement, laissait tomber les enchères aux plus bas chiffres possibles, tandis que Dansaert, désireux de hâter encore les choses, mentait sur l’excellence des marchés. Il fallut que Maheu, pour avoir ses cinquante mètres d’avancement, luttât contre un camarade, qui s’obstinait, lui aussi ; à tour de rôle, ils retiraient chacun un centime de la berline ; et, s’il demeura vainqueur, ce fut en abaissant tellement le salaire, que le porion Richomme, debout derrière lui, se fâchait entre ses dents, le poussait du coude, en grognant avec colère que jamais il ne s’en tirerait, à ce prix-là.

Quand ils sortirent, Étienne jurait. Et il éclata devant Chaval, qui revenait des blés en compagnie de Catherine, flânant, pendant que le beau-père s’occupait des affaires sérieuses.