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GERMINAL.

mands et russes. Enfin, il s’était fait prêter un livre français sur les Sociétés coopératives, encore des bêtises, disait Souvarine ; et il lisait aussi régulièrement un journal que ce dernier recevait, le Combat, feuille anarchiste publiée à Genève. D’ailleurs, malgré leurs rapports quotidiens, il le trouvait toujours aussi fermé, avec son air de camper dans la vie, sans intérêts, ni sentiments, ni biens d’aucune sorte.

Ce fut vers les premiers jours de juillet que la situation d’Étienne s’améliora. Au milieu de cette vie monotone, sans cesse recommençante de la mine, un accident s’était produit : les chantiers de la veine Guillaume venaient de tomber sur un brouillage, toute une perturbation dans la couche, qui annonçait certainement l’approche d’une faille ; et, en effet, on avait bientôt rencontré cette faille, que les ingénieurs, malgré leur grande connaissance du terrain, ignoraient encore. Cela bouleversait la fosse, on ne causait que de la veine disparue, glissée sans doute plus bas, de l’autre côté de la faille. Les vieux mineurs ouvraient déjà les narines, comme de bons chiens lancés à la chasse de la houille. Mais, en attendant, les chantiers ne pouvaient rester les bras croisés, et des affiches annoncèrent que la Compagnie allait mettre aux enchères de nouveaux marchandages.

Maheu, un jour, à la sortie, accompagna Étienne et lui offrit d’entrer comme haveur dans son marchandage, à la place de Levaque passé à un autre chantier. L’affaire était arrangée déjà avec le maître-porion et l’ingénieur, qui se montraient très contents du jeune homme. Aussi Étienne n’eut-il qu’à accepter ce rapide avancement, heureux de l’estime croissante où Maheu le tenait.

Dès le soir, ils retournèrent ensemble à la fosse prendre connaissance des affiches. Les tailles mises aux enchères se trouvaient à la veine Filonnière, dans la galerie Nord du Voreux. Elles semblaient peu avantageuses,