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LES ROUGON-MACQUART.

est encore à vouloir laisser agir les forces naturelles. Pas de politique, pas de conspiration, n’est-ce pas ? tout au grand jour, et uniquement pour la hausse des salaires… Fichez-moi donc la paix, avec votre évolution ! Allumez le feu aux quatre coins des villes, fauchez les peuples, rasez tout, et quand il ne restera plus rien de ce monde pourri, peut-être en repoussera-t-il un meilleur.

Étienne se mit à rire. Il n’entendait pas toujours les paroles de son camarade, cette théorie de la destruction lui semblait une pose. Rasseneur, encore plus pratique, et d’un bon sens d’homme établi, ne daigna pas se fâcher. Il voulait seulement préciser les choses.

— Alors, quoi ? tu vas tenter de créer une section à Montsou ?

C’était ce que désirait Pluchart, qui était secrétaire de la Fédération du Nord. Il insistait particulièrement sur les services que l’Association rendrait aux mineurs, s’ils se mettaient un jour en grève. Étienne, justement, croyait la grève prochaine : l’affaire des bois finirait mal, il ne fallait plus qu’une exigence de la Compagnie pour révolter toutes les fosses.

— L’embêtant, c’est les cotisations, déclara Rasseneur d’un ton judicieux. Cinquante centimes par an pour le fonds général, deux francs pour la section, ça n’a l’air de rien, et je parie que beaucoup refuseront de les donner.

— D’autant plus, ajouta Étienne, qu’on devrait d’abord créer ici une caisse de prévoyance, dont nous ferions à l’occasion une caisse de résistance… N’importe, il est temps de songer à ces choses. Moi, je suis prêt, si les autres sont prêts.

Il y eut un silence. La lampe à pétrole fumait sur le comptoir. Par la porte grande ouverte, on entendait distinctement la pelle d’un chauffeur du Voreux chargeant un foyer de la machine.