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GERMINAL.

Il n’y avait plus là que Rasseneur. Le dernier client était parti, rentrant au coron qui se couchait.

— Ah ! s’écria le cabaretier, debout devant ses deux locataires. Où en est-il, Pluchart ?

Étienne, depuis deux mois, entretenait une correspondance suivie avec le mécanicien de Lille, auquel il avait eu l’idée d’apprendre son embauchement à Montsou, et qui maintenant l’endoctrinait, frappé de la propagande qu’il pouvait faire au milieu des mineurs.

— Il en est, que l’association en question marche très bien. On adhère de tous les côtés, paraît-il.

— Qu’est-ce que tu en dis, toi, de leur société ? demanda Rasseneur à Souvarine.

Celui-ci, qui grattait tendrement la tête de Pologne, souffla un jet de fumée, en murmurant de son air tranquille :

— Encore des bêtises !

Mais Étienne s’enflammait. Toute une prédisposition de révolte le jetait à la lutte du travail contre le capital, dans les illusions premières de son ignorance. C’était de l’Association internationale des travailleurs qu’il s’agissait, de cette fameuse Internationale qui venait de se créer à Londres. N’y avait-il pas là un effort superbe, une campagne où la justice allait enfin triompher ? Plus de frontières, les travailleurs du monde entier se levant, s’unissant, pour assurer à l’ouvrier le pain qu’il gagne. Et quelle organisation simple et grande : en bas, la section, qui représente la commune ; puis, la fédération, qui groupe les sections d’une même province ; puis, la nation, et au-dessus, enfin, l’humanité, incarnée dans un Conseil général, où chaque nation était représentée par un secrétaire correspondant. Avant six mois, on aurait conquis la terre, on dicterait des lois aux patrons, s’ils faisaient les méchants.

— Des bêtises ! répéta Souvarine. Votre Karl Marx en