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GERMINAL.

bouche un peu grande, aux dents superbes dans la pâleur chlorotique des gencives ; pendant que ses yeux gris pleuraient de sommeil combattu, avec une expression douloureuse et brisée, qui semblait enfler de fatigue sa nudité entière.

Mais un grognement arriva du palier, la voix de Maheu bégayait, empâtée :

— Sacré nom ! il est l’heure… C’est toi qui allumes, Catherine ?

— Oui, père… Ça vient de sonner, en bas.

— Dépêche-toi donc, fainéante ! Si tu avais moins dansé hier dimanche, tu nous aurais réveillés plus tôt… En voilà une vie de paresse !

Et il continua de gronder, mais le sommeil le reprit à son tour, ses reproches s’embarrassèrent, s’éteignirent dans un nouveau ronflement.

La jeune fille, en chemise, pieds nus sur le carreau, allait et venait par la chambre. Comme elle passait devant le lit d’Henri et de Lénore, elle rejeta sur eux la couverture, qui avait glissé ; et ils ne s’éveillaient pas, anéantis dans le gros sommeil de l’enfance. Alzire, les yeux ouverts, s’était retournée pour prendre la place chaude de sa grande sœur, sans prononcer un mot.

— Dis donc, Zacharie ! et toi, Jeanlin, dis donc ! répétait Catherine, debout devant les deux frères, qui restaient vautrés, le nez dans le traversin.

Elle dut saisir le grand par l’épaule et le secouer ; puis, tandis qu’il mâchait des injures, elle prit le parti de les découvrir, en arrachant le drap. Cela lui parut drôle, elle se mit à rire, lorsqu’elle vit les deux garçons se débattre, les jambes nues.

— C’est bête, lâche-moi ! grogna Zacharie de méchante humeur, quand il se fut assis. Je n’aime pas les farces… Dire, nom de Dieu ! qu’il faut se lever !

Il était maigre, dégingandé, la figure longue, salie de