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GERMINAL.

Elle se hâta de reprendre le chemin du coron, et elle était aux dernières maisons de Montsou, lorsqu’un homme, sur la porte de l’estaminet Piquette, l’appela.

— Eh ! Catherine, où cours-tu si vite ?

C’était le grand Chaval. Elle fut contrariée, non qu’il lui déplût, mais parce qu’elle n’était pas en train de rire.

— Entre donc boire quelque chose… Un petit verre de doux, veux-tu ?

Gentiment, elle refusa : la nuit allait tomber, on l’attendait chez elle. Lui, s’était avancé, la suppliait à voix basse, au milieu de la rue. Son idée, depuis longtemps, était de la décider à monter dans la chambre qu’il occupait au premier étage de l’estaminet Piquette, une belle chambre qui avait un grand lit, pour un ménage. Il lui faisait donc peur, qu’elle refusait toujours. Elle, bonne fille, riait, disait qu’elle monterait la semaine où les enfants ne poussent pas. Puis, d’une chose à une autre, elle en arriva, sans savoir comment, à parler du ruban bleu qu’elle n’avait pu acheter.

— Mais je vais t’en payer un, moi ! cria-t-il.

Elle rougit, sentant qu’elle ferait bien de refuser encore, travaillée au fond du gros désir d’avoir son ruban. L’idée d’un emprunt lui revint, elle finit par accepter, à la condition qu’elle lui rendrait ce qu’il dépenserait pour elle. Cela les fit plaisanter de nouveau : il fut convenu que, si elle ne couchait pas avec lui, elle lui rendrait l’argent. Mais il y eut une autre difficulté, quand il parla d’aller chez Maigrat.

— Non, pas chez Maigrat, maman me l’a défendu.

— Laisse donc, est-ce qu’on a besoin de dire où l’on va !… C’est lui qui tient les plus beaux rubans de Montsou.

Lorsque Maigrat vit entrer dans sa boutique le grand Chaval et Catherine, comme deux galants qui achètent leur cadeau de noces, il devint très rouge, il montra ses