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V


Chez Rasseneur, après avoir mangé une soupe, Étienne, remonté dans l’étroite chambre qu’il allait occuper sous le toit, en face du Voreux, était tombé sur son lit, tout vêtu, assommé de fatigue. En deux jours, il n’avait pas dormi quatre heures. Quand il s’éveilla, au crépuscule, il resta étourdi un instant, sans reconnaître le lieu où il se trouvait ; et il éprouvait un tel malaise, une telle pesanteur de tête, qu’il se mit péniblement debout, avec l’idée de prendre l’air, avant de dîner et de se coucher pour la nuit.

Dehors, le temps était de plus en plus doux, le ciel de suie se cuivrait, chargé d’une de ces longues pluies du Nord, dont on sentait l’approche dans la tiédeur humide de l’air. La nuit venait par grandes fumées, noyant les lointains perdus de la plaine. Sur cette mer immense de terres rougeâtres, le ciel bas semblait se fondre en noire poussière, sans un souffle de vent à cette heure, qui animât les ténèbres. C’était d’une tristesse blafarde et morte d’ensevelissement.

Étienne marcha devant lui, au hasard, n’ayant d’autre but que de secouer sa fièvre. Lorsqu’il passa devant le Voreux, assombri déjà au fond de son trou, et dont