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GERMINAL.

le père, quand il n’y en avait que pour un. Tous venaient de faire descendre leur soupe d’une grande lampée d’eau fraîche, la bonne boisson claire des fins de quinzaine.

— Je n’ai pas de bière, dit la Maheude, lorsque le père se fut attablé à son tour. J’ai voulu garder un peu d’argent… Mais, si tu en désires, la petite peut courir en prendre une pinte.

Il la regardait, épanoui. Comment ? elle avait aussi de l’argent !

— Non, non, dit-il. J’ai bu une chope, ça va bien.

Et Maheu se mit à engloutir, par lentes cuillerées, la pâtée de pain, de pommes de terre, de poireaux et d’oseille, enfaîtée dans la jatte qui lui servait d’assiette. La Maheude, sans lâcher Estelle, aidait Alzire à ce qu’il ne manquât de rien, poussait près de lui le beurre et la charcuterie, remettait au feu son café pour qu’il fût bien chaud.

Cependant, à côté du feu, le lavage commençait, dans une moitié de tonneau, transformée en baquet. Catherine, qui passait la première, l’avait empli d’eau tiède ; et elle se déshabillait tranquillement, ôtait son béguin, sa veste, sa culotte, jusqu’à sa chemise, habituée à cela depuis l’âge de huit ans, ayant grandi sans y voir du mal. Elle se tourna seulement, le ventre au feu, puis se frotta vigoureusement avec du savon noir. Personne ne la regardait, Lénore et Henri eux-mêmes n’avaient plus la curiosité de voir comment elle était faite. Quand elle fut propre, elle monta toute nue l’escalier, laissant sa chemise mouillée et ses autres vêtements, en tas, sur le carreau. Mais une querelle éclatait entre les deux frères : Jeanlin s’était hâté de sauter dans le baquet, sous le prétexte que Zacharie mangeait encore ; et celui-ci le bousculait, réclamait son tour, criait que s’il était assez gentil pour permettre à Cathe-