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GERMINAL.

Sa mère l’interrompit.

— Elle m’embête !

C’était une sourde rancune contre la Levaque, qui avait pleuré misère, la veille, pour ne rien lui prêter ; et elle la savait justement à son aise, en ce moment-là, le logeur Bouteloup ayant avancé sa quinzaine. Dans le coron, on ne se prêtait guère de ménage à ménage.

— Tiens ! tu me fais songer, reprit la Maheude, enveloppe donc un moulin de café… Je le reporterai à la Pierronne, à qui je le dois d’avant-hier.

Et, quand sa fille eut préparé le paquet, elle ajouta qu’elle rentrerait tout de suite mettre la soupe des hommes sur le feu. Puis, elle sortit avec Estelle dans les bras, laissant le vieux Bonnemort broyer lentement ses pommes de terre, tandis que Lénore et Henri se battaient pour manger les pelures tombées.

La Maheude, au lieu de faire le tour, coupa tout droit, à travers les jardins, de peur que la Levaque ne l’appelât. Justement, son jardin s’adossait à celui des Pierron ; et il y avait, dans le treillage délabré qui les séparait, un trou par lequel on voisinait. Le puits commun était là, desservant quatre ménages. À côté, derrière un bouquet de lilas chétifs, se trouvait le carin, une remise basse, pleine de vieux outils, et où l’on élevait, un à un, les lapins qu’on mangeait les jours de fête. Une heure sonna, c’était l’heure du café, pas une âme ne se montrait aux portes ni aux fenêtres. Seul, un ouvrier de la coupe à terre, en attendant la descente, bêchait son coin de légumes, sans lever la tête. Mais, comme la Maheude arrivait en face, à l’autre corps de bâtiment, elle fut surprise de voir paraître, devant l’église, un monsieur et deux dames. Elle s’arrêta une seconde, elle les reconnut : c’était madame Hennebeau, qui faisait visiter le coron à ses invités, le monsieur décoré et la dame en manteau de fourrure.