Page:Zola - Germinal.djvu/108

Cette page a été validée par deux contributeurs.
108
LES ROUGON-MACQUART.

reaux… Non, j’en ferai ensuite pour les hommes… Mets bouillir des pommes de terre, nous les mangerons avec un peu de beurre… Et du café, hein ? n’oublie pas le café !

Mais, tout d’un coup, l’idée de la brioche lui revint. Elle regarda les mains vides de Lénore et d’Henri, qui se battaient par terre, déjà reposés et gaillards. Est-ce que ces gourmands n’avaient pas, en chemin, mangé sournoisement la brioche ! Elle les gifla, pendant qu’Alzire, qui mettait la marmite au feu, tâchait de l’apaiser.

— Laisse-les, maman. Si c’est pour moi, tu sais que ça m’est égal, la brioche. Ils avaient faim, d’être allés si loin à pied.

Midi sonnèrent, on entendit les galoches des gamins qui sortaient de l’école. Les pommes de terre étaient cuites, le café, épaissi d’une bonne moitié de chicorée, passait dans le filtre, avec un bruit chantant de grosses gouttes. Un coin de la table fut débarrassé ; mais la mère seule y mangea, les trois enfants se contentèrent de leurs genoux ; et, tout le temps, le petit garçon, qui était d’une voracité muette, se tourna sans rien dire vers le fromage de cochon, dont le papier gras le surexcitait.

La Maheude buvait son café à petits coups, les deux mains autour du verre pour les réchauffer, lorsque le père Bonnemort descendit. D’habitude, il se levait plus tard, son déjeuner l’attendait sur le feu. Mais, ce jour-là, il se mit à grogner, parce qu’il n’y avait point de soupe. Puis, quand sa bru lui eut dit qu’on ne faisait pas toujours comme on voulait, il mangea ses pommes de terre en silence. De temps à autre, il se levait, allait cracher dans les cendres, par propreté ; et, tassé ensuite sur sa chaise, il roulait la nourriture au fond de sa bouche, la tête basse, les yeux éteints.

— Ah ! j’ai oublié, maman, dit Alzire, la voisine est venue…