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GERMINAL.

Il y a des jours, comme aujourd’hui, où vous retourneriez bien tous les tiroirs de la maison, sans en faire tomber un liard.

Elle voulait leur donner l’idée de la pièce de cent sous, elle continua de sa voix molle, expliquant la dette fatale, timide d’abord, bientôt élargie et dévorante. On payait régulièrement pendant des quinzaines. Mais, un jour, on se mettait en retard, et c’était fini, ça ne se rattrapait jamais plus. Le trou se creusait, les hommes se dégoûtaient du travail, qui ne leur permettait seulement pas de s’acquitter. Va te faire fiche ! on était dans le pétrin jusqu’à la mort. Du reste, il fallait tout comprendre : un charbonnier avait besoin d’une chope pour balayer les poussières. Ça commençait par là, puis il ne sortait plus du cabaret, quand arrivaient les embêtements. Peut-être bien, sans se plaindre de personne, que les ouvriers tout de même ne gagnaient point assez.

— Je croyais, dit madame Grégoire, que la Compagnie vous donnait le loyer et le chauffage.

La Maheude eut un coup d’œil oblique sur la houille flambante de la cheminée.

— Oui, oui, on nous donne du charbon, pas trop fameux, mais qui brûle pourtant… Quant au loyer, il n’est que de six francs par mois : ça n’a l’air de rien, et souvent c’est joliment dur à payer… Ainsi, aujourd’hui, moi, on me couperait en morceaux, qu’on ne me tirerait pas deux sous. Où il n’y a rien, il n’y a rien.

Le monsieur et la dame se taisaient, douillettement allongés, peu à peu ennuyés et pris de malaise, devant l’étalage de cette misère. Elle craignit de les avoir blessés, elle ajouta de son air juste et calme de femme pratique :

— Oh ! ce n’est pas pour me plaindre. Les choses sont ainsi, il faut les accepter ; d’autant plus que nous aurions beau nous débattre, nous ne changerions sans