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GERMINAL.

posait le reste de la brioche sur la table, pour demeurer là, les mains ballantes.

— Justement, continuait Cécile, j’ai encore deux robes de laine et des fichus… Vous allez voir, ils auront chaud, les pauvres mignons !

La Maheude, alors, retrouva sa langue, bégayant :

— Merci bien, Mademoiselle… Vous êtes tous bien bons…

Des larmes lui avaient empli les yeux, elle se croyait sûre des cent sous, elle se préoccupait seulement de la façon dont elle les demanderait, si on ne les lui offrait pas. La femme de chambre ne reparaissait plus, il y eut un moment de silence embarrassé. Dans les jupes de leur mère, les petits ouvraient de grands yeux et contemplaient la brioche.

— Vous n’avez que ces deux-là ? demanda madame Grégoire, pour rompre le silence.

— Oh ! madame, j’en ai sept.

M. Grégoire, qui s’était remis à lire son journal, eut un sursaut indigné.

— Sept enfants, mais pourquoi ? bon Dieu !

— C’est imprudent, murmura la vieille dame.

La Maheude eut un geste vague d’excuse. Que voulez-vous ? on n’y songeait point, ça poussait naturellement. Et puis, quand ça grandissait, ça rapportait, ça faisait aller la maison. Ainsi, chez eux, ils auraient vécu, s’ils n’avaient pas eu le grand-père qui devenait tout raide, et si, dans le tas, deux de ses garçons et sa fille aînée seulement avaient l’âge de descendre à la fosse. Fallait quand même nourrir les petits qui ne fichaient rien.

— Alors, reprit madame Grégoire, vous travaillez depuis longtemps aux mines ?

Un rire muet éclaira le visage blême de la Maheude.

— Ah ! oui, ah ! oui… Moi, je suis descendue jusqu’à vingt ans. Le médecin a dit que j’y resterais, lorsque