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souhait panthéiste de tous les germes conservés, fécondés, et qui accepte seulement la mort parce qu’elle n’est qu’un renouvellement, un ferment, encore de la vie, et quand même de la vie.

Mais le vent chaud, chargé de désir, qui passait sur la face de Mathieu, évoqua brusquement en lui l’image de Sérafine. C’était la même sensation de brûlure aux yeux et aux lèvres qu’il avait éprouvée, chez les Morange, lorsque cette femme, avec son odeur, s’etait penchée vers lui. Sans doute, à son insu, il l’avait emportée en sa chair, car son trouble grandissant de la soirée, son ivresse du restaurant, et l’excitation des confidences de Beauchêne, et le doute inquiet où le jetait la foule en marche vers la volupté d’une nuit stérile, aboutissaient à la réveiller, à la dresser en travers de la route, riante, provocante, s’offrant encore. Jamais il n’avait eté en proie à un combat si rude, ne sachant plus où étaient la sagesse et la vérité, sous les assauts que sa raison recevait depuis le matin ; et il restait éperdu, au milieu des sollicitations hrûlantes du milieu, dans ce Paris sacrifiant au culte de la jouissance égoïste. N’étaient-ce pas les Beauchéne, les Morange, les Séguin qui avaient raison, lorsqu’ils se prononçaient pour la joie seule de l’acte, par haine et par terreur de l’enfant ? D’ailleurs, tous les hommes faisaient comme eux, l’immense ville entière voulait être inféconde. Cela l’ébranlait, dans sa crainte d’avoir été simplement dupe jusque-là. Ne pas faire ce que fait tout le monde n’était sans doute qu’un entêtement d’orgueil. Et, devant lui, il voyait Sérafine, aux lourds cheveux roux, aux bras odorants, qui lui promettait des voluptés inconnues, sans dangers et sans remords.

Puis, dans sa poche, il sentit les trois cents francs de ses appointements qu’il emportait. Trois cents francs pour tout un mois, lorsqu’il avait déjà de légères dettes : à peine de quoi acheter un ruban à Marianne et de la