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tous, puisque vous êtes trop entassés, puisque vous manquez d’air dans vos champs trop étroits, dans vos villes surchauffées, empoisonnées. Il y a là-bas place pour tous, des terres neuves, du grand air que n’a respiré personne, une tâche à remplir qui fera de vous tous des héros, des gaillards solides, heureux de vivre. Venez avec moi, j’emmène les hommes, j’emmène les femmes de bonne volonté et vous vous taillerez d’autres provinces, et vous fonderez d’autres villes pour la toute-puissance future de la grande France démesurée ! »

Il riait si gaiement, il était si beau, si brave, si robuste, que la table entière, une fois encore, l’acclama. On ne le suivrait certainement point, puisque tous ces ménages avaient leurs nids faits, puisque tous ces jeunes gens tenaient déjà trop à la vieille terre par les racines de la race, endormie aujourd’hui au foyer, après tant esprit aventureux. Mais quelle merveilleuse histoire, écoutée des petits et des grands enfants comme un beau conte qui les ravissait, qui réveillerait chez eux, demain sans doute, la passion active des glorieuses entreprises lointaines ! La semence de l’inconnu était jetée, elle pousserait en une moisson de fabuleuse puissance.

Et Benjamin fut le seul à crier, au milieu de l’enthousiasme, où sa parole se perdit :

« Oui ! Oui ! je veux vivre… Emmène-moi, emmène-moi ! »

Mais, pour conclure, Dominique reprenait : « Et, grand-père, je ne vous l’ai pas dit encore, mon père a donné le nom de Chantebled à notre ferme de là-bas… Souvent, il nous raconte comment vous avez fondé votre domaine, ici, dans un coup d’audace prévoyante, lorsque tout le monde se moquait, haussait les épaules, en vous accusant de folie. Et c’est, là-bas, pour mon père, la même dérision, la même pitié méprisante, car on s’attend à ce que le bon Niger emporte un jour notre