Page:Zola - Fécondité.djvu/75

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bien qu’il n’y pas de plus honnête personne au monde… Ensuite, la raison lui est venue, il m’a semblé remarquer qu’elle tolérait un peu l’inévitable, qu’elle consentait parfois à fermer les yeux. Ainsi, elle m’a presque surpris un soir, avec une dame de ses connaissances, et elle a eu le bon goût de ne jamais m’en souffler un mot. Ça la blesse pourtant, ses connaissances, tandis que la rue, les inconnues du trottoir, la touchent naturellement beaucoup moins. Par exemple, cette fille d’aujourd’hui, que voulez-vous que ça lui fasse ? Je ne l’aime pas, cette fille, je la prends et je la lâche. Ça se passe si loin de ma femme, si au-dessous, qu’elle n’en peut pas être atteinte… Il faut tout dire aussi. Constance a des torts, oh ! de grands torts. Sans doute, j’y suis formellement décidé, comme elle, nous devons nous en tenir à notre petit Maurice. Seulement, vous l’avez entendue ce matin, elle est vraiment terrible. Vous ne vous imaginez pas les précautions qu’elle prend, c’est à dégoûter un homme.

Il mâchait son cigare, il soufflait davantage, à mesure que ses confidences devenaient plus intimes, sur un sujet dont la gaillardise achevait de lui enflammer le sang. Mais il ne recula devant aucun des secrets de son alcôve, il en arriva aux détails précis. Lui, en somme, n’était ni un pervers ni un débauche : il se contentait fort bien de la bonne nature, il ne souffrait que de très gros appétits, dont la fréquence le laissait toujours affamé. Et les menus amusements, les compensations incomplètes pour tromper cette continuelle faim, ne le rassasiaient pas. Constance, qui, de son côté, avait conscience de son devoir conjugal, s’efforçait de le remplir, pour garder son mari. Elle consentait au plaisir, elle s’y résignait elle-même, dans un énervement, dont elle cachait parfois la douleur à cet homme qu’elle sentait inassouvi et fâché, au sortir de ses bras. Toujours, elle avait souffert de lui, de sa violence, de son acharnement sans fin ; et l’enfant avait