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de les étonner, de les bouleverser, tous les parents inconnus qu’il trouvait là, qu’il voyait pendus à ses lèvres, passionnés d’une curiosité grandissante. Peu à peu, des femmes, des vieillards s’étaient levés pour se rapprocher de lui. Et les enfants eux-mêmes l’entouraient comme s’il leur eût conté un beau conte.

« Oh ! nous vivons en république, nous sommes la communauté dont chaque membre doit travailler à l’œuvre fraternelle. Dans la famille, il y a des ouvriers de tous les corps d’état, pour les gros ouvrages d’une façon un peu barbare. Mais le père s’est surtout révélé comme un maçon émérite, car il a dû bâtir, quand nous sommes arrivés là-bas. Et même il a fabriqué ses briques lui-même, féroce à des gisements d’argile qui existent près de Djenné. Notre ferme est donc maintenant un petit village, chaque enfant marié aura sa maison… Puis, nous ne sommes pas que cultivateurs, nous sommes pêcheurs et chasseurs. Nous avons nos barques, le Niger est extraordinairement peuplé, on y fait des pêches miraculeuses.

La chasse suffirait également à nourrir la famille, le gibier pullula des vols de perdrix et de pintades, sans compter les flamants, les pélicans, les aigrettes, les milliers de bêtes qui ne se mangent pas. Des lions noirs, parfois, nous viennent visiter ; des aigles, d’un vol lent, passent au-dessus de nos têtes, des hippopotames, au crépuscule, par trois et par quatre, jouent dans le fleuve, avec une grâce lourde d’enfants nègres qui se baigneraient… Mais cependant, nous sommes surtout des laboureurs, rois de la plaine, lorsque le Niger s’est retiré, après avoir engrossé nos champs. Notre domaine est sans limites, il va jusqu’où l’effort de notre travail peut s’étendre. Et, si vous voyiez les laboureurs indigènes qui ne labourent même pas, qui n’ont guère pour outils primitifs que des bâtons dont ils grattent le sol, avant de lui confier les semences ! Aucun souci, aucune peine, la terre est