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descend des étoiles… Et c’est lui l’ancêtre, le fondateur, le fécondateur, c’est lui qui a engendré le Soudan, l’a doté de ses richesses incalculables, en le disputant à l’envahissement des Saharas voisins, en le créant de son limon fertile. C’est lui qui chaque année, aux saisons régulières, déborde, inonde la vallée, tel qu’un océan, puis la laisse grasse, comme engrossée d’une végétation formidable. Ainsi que le Nil, il a vaincu les sables, il est le père aux générations sans nombre, il est le dieu fabricateur d’un monde encore inconnu, qui, plus tard, enrichira la vieille Europe… Et la vallée du Niger, la colossale fille du bon géant, ah ! quelle immensité pure, quel libre coup d’aile vers l’infini ! La plaine s’ouvre, s’élargit, recule l’horizon, sans obstacle ni limites. La plaine et la plaine toujours, des champs que des champs toujours prolongent, des sillons droits, à perte de vue, dont la charrue mettrait des mois à atteindre le bout. On y récoltera la nourriture d’un grand peuple le jour où la culture y sera pratiquée avec quelque courage et quelque science, car le royaume est encore vierge, tel que le bon fleuve l’a créé, il y a des mille ans. Demain, ce royaume appartiendra au laboureur qui aura osé le prendre, s’y tailler à son gré un domaine aussi vaste que la force de son travail l’aura rêvé, non plus des hectares, mais des lieues de labours, roulant des moissons éternelles… Et quel large souffle dans cette immensité, quelle joie à respirer toute la vaste étendue en une haleine, quelle vie saine et forte à ne plus être entassés les uns sur les autres, à se sentir libres, puissants, maîtres de la part de terre qu’on a voulue, sous le soleil qui luit pour tous ! »

Mais Benjamin ne se rassasiait pas de l’écouter, de l’interroger.

« Comment vous êtes-vous installés, là-bas ? Comment vivez-vous ? Quels sont vos habitudes, vos travaux ? »

Dominique se remit à rire, tellement il avait conscience