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vieillards, qui défaillaient d’émotion heureuse, tant la surprise était bonne, de cet enfant encore, en un tel jour, qui leur tombait d’un ciel lointain, qui leur disait l’autre famille, l’autre peuple issu de leurs flancs, en train de pulluler là-bas, d’une fécondité accrue, dans l’incendie des tropiques.

Cette surprise, elle était due au génie malin d’Ambroise, qui tout de suite, s’en expliqua plaisamment, comme d’un coup de théâtre épique, préparé par lui. Depuis huit jours, il logeait dans son hôtel, il cachait Dominique, envoyé du Soudan par son père pour traiter justement avec lui certaines questions commerciales d’exportation, et pour commander surtout, à l’usine de Denis, tout un lot de machines agricoles, adaptées au sol de là-bas, d’une construction spéciale. Il n’y avait donc que Denis dans la confidence. Et, quand la table entière vit Dominique entre les bras des deux vieillards, quand elle connut l’histoire complète ce fut une extraordinaire joie, de nouvelles acclamations assourdissantes, un accueil de compliments, d’embrassades enthousiastes, sous lesquelles on manqua d’étouffer le messager de la famille sœur, le prince de la seconde dynastie des Froment, au pays de la prodigieuse France future.

Mathieu, gaiement, donnait des ordres.

« En face de nous deux, là, mettez son couvert… Il sera seul en face de nous, tel que l’ambassadeur d’un puissant empire. Songez qu’il représente, en dehors de son père et de sa mère, neuf frères, sept sœurs, sans compter ses quatre enfants déjà… Allons, mon garçon, assois-toi, et qu’on nous serve ! »

Le repas des noces fut d’une allégresse attendrie à l’ombre du grand chêne, criblée de soleil. Toute une fraîcheur délicieuse montait des herbes, il semblait que la nature amie apportât sa part de caresses. Les rires ne cessèrent pas de sonner, les vieux eux-mêmes étaient