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le vouloir. Et ils finissaient en héros, en conquérants du bonheur, la main dans la main, d’une pureté de cristal, très grands, très beaux, grandis et embellis encore de leur extrême vieillesse, de cette existence si longue, toute pleine d’un seul amour. Et leur innombrable lignée qui se trouvait là, la tribu conquérante née de leurs entrailles, n’avait d’autre force que la force d’union dont elle héritait, ce loyal amour des ancêtres légué aux enfants, cette solidaire affection qui les faisait s’aider, lutter pour la vie meilleure, en un peuple fraternel.

Mais il y eut une allégresse, le service commençait enfin. Tous les serviteurs de la ferme en étaient chargés, on n’avait pas voulu introduire une seule personne étrangère. Presque tous avaient grandi sur le domaine, eux-mêmes étaient de la famille. Ensuite, ils auraient leur table, ils fêteraient, à leur tour, les noces de diamant. Et ce fut au milieu des exclamations et des bons rires que les premiers plats parurent.

Brusquement, le service s’arrêta, à peine commencé. Un grand silence s’était fait, un événement inattendu venait de se produire. Au milieu de la pelouse, entre les deux bras de la table en fer à cheval, un jeune homme s’avançait, inconnu de tous. Il souriait gaiement, il marcha jusqu’au bout, ne s’arrêta que devant Mathieu et Marianne. Puis, d’une voix forte :

« Bonjour, grand-père ! Bonjour grand-mère !… Il faut mettre un couvert de plus, car je suis venu vous fêter aussi. »

L’assistance resta muette, dans un grand étonnement. Quel était donc ce jeune homme que personne n’avait jamais vu ? Certainement, il ne pouvait être de la famille, on aurait su son nom, connu son visage. Alors, pourquoi saluait-il les ancêtres de ces noms vénérés de grand-père et de grand-mère ? Et la stupeur qui grandissait, provenait surtout de son extraordinaire ressemblance avec Mathieu,