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je ne sors pas de là, moi ! … Ma femme ! mais il n’est pas de personne que j’estime plus au monde ! Quand je l’ai épousée, dans de tristes embarras d’argent, je vous confesse, à vous, que je ne l’aimais pas, je veux dire charnellement, vous m’entendez bien. Sans croire lui manquer de respect, j’ose dire qu’elle était vraiment beaucoup trop maigre pour mon goût, d’autant plus que, l’ayant compris elle-même, elle a tout essayé depuis afin d’engraisser un peu, ce qui a totalement échoué d’ailleurs. Seulement, n’est-ce pas ? on n’épouse pas une femme avec l’idée d’en faire sa maîtresse… Alors, raisonnez. J’ai donc pour elle l’estime profonde qu’un père de famille a pour la mère de son fils. Le foyer est là, on ne salit pas le foyer. Si je ne puis me donner comme un mari fidèle, j’ai certainement l’excuse de m’être refusé à être de ceux qui débauchent leurs femmes. Du moment que je ne saurais faire tous les soirs un enfant à la mienne, et que je rougirais de lui demander certaines complaisances, c’est évidemment la respecter encore que d’aller autre part contenter la bête, quand on a le malheur de souffrir du jeûne, ainsi que j’en souffre, jusqu’à en être malade.

Il riait, il croyait dire ces choses délicates très proprement, très gentiment pour son ménage.

— Et, reprit Mathieu, notre cousine Constance connaît cette belle théorie ? Elle l’approuve, elle vous laisse aller ailleurs, comme vous dites ?

Cela redoubla la chaude gaieté de Beauchêne.

— Non, non ! ne me faites pas dire de sottises. Au contraire, Constance se montrait très jalouse, dans les premiers temps de notre mariage. Ce que j’ai dû lui en conter, des histoires, pour filer et avoir quelques soirées à moi ! Avec ça, j’étais enragé à cette époque, elle me désespérait, tant elle était peu amusante, la chère et digne femme. Un os entre deux draps, mon ami. Je le dis sans rancune, sans croire la diminuer, car ça prouve