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race heureuse et reconnaissante leur donnait cette fête ! Ces ormes et ces charmes, qui faisaient de la pelouse une vaste salle de verdure, ils les avaient plantés, ils les avaient vus grandir jour à jour, ainsi que les plus paisibles et les plus forts d’entre leurs enfants. Ce chêne surtout, géant aujourd’hui, grâce au flot clair du bassin où ruisselait perpétuellement une des sources, il était leur grand fils, celui qu’ils avaient enfanté là, le jour de la fondation de Chantebled, lui creusant le trou, elle tenant la tige du jeune plant. Et, à cette heure, les ombrageant de sa verdure immense, n’était-il pas le royal symbole de la famille entière ? Comme lui, elle était innombrable ; comme lui, elle avait multiplié, élargi sans fin ses branches, qui couvraient au loin le sol, et, comme lui, elle était à elle seule toute une forêt, née d’un seul tronc, vivante de la même sève, forte de la même santé, pleine de chants, de brise et de soleil. Adossés au colosse, Mathieu et Marianne se confondaient dans sa gloire, dans sa souveraine majesté, d’une royauté pareille, ayant engendré autant d’êtres qu’il comptait de rameaux, régnant là sur le peuple de leurs enfants, qui vivaient d’eux, comme ses feuilles vivaient de lui. À leur droite, à leur gauche, les trois cents convives n’étaient que leur prolongement le même arbre de vie, né de leur amour, tenant encore à leurs flancs par toutes les fibres. Ils sentaient leur joie à tous, de se glorifier en les fêtant, l’attendrissement des vieux, la turbulence des jeunes. Ils entendaient le retentissement de leur propre cœur jusque dans la poitrine des gamins à tête blonde, qui riaient déjà d’extase devant les gâteaux du dessert. Et leur œuvre de création humaine se trouvait rassemblée en face d’eux, en eux, ainsi que s’arrondissait le dôme géant du chêne, et de partout, aux alentours, l’autre œuvre les baignait de fécondité, cette création de la terre, cette nature qui s’était élargie