Page:Zola - Fécondité.djvu/732

Cette page n’a pas encore été corrigée

avait quittés, abandonnant la ferme à son mari Frédéric et à son frère Gervais, devenu veuf lui aussi, l’année suivante. Puis, ils avaient perdu leur fils Grégoire, le maître du Moulin, dont la veuve, Thérèse, gouvernait toujours, parmi une nombreuse descendance. Puis, une de leurs filles encore, la bonne Marguerite, la femme du docteur Chambouvet, était morte, d’avoir recueilli chez elle les deux enfants d’une pauvre ouvrière, atteints du croup. Et l’on ne comptait plus les autres pertes, des femmes, des maris entrés dans la famille par alliance, des enfants surtout, la part de désastre, les coups d’orage au travers de la moisson humaine, toutes les chères créatures disparues que les vivants pleurent, et qui rendent sainte la terre où elles reposent.

Mais, si les chers morts dormaient là-bas, dans le grand silence, quel gai tumulte et quelle victoire de la vie, ce matin-là, par les routes qui conduisaient à Chantebled ! Il en renaissait plus qu’il n’en mourait, toute une floraison d’êtres semblait s’être épanouie de chaque mort. Par douzaines, ils repoussaient du sol où les pères, las de leur bonne besogne, s’étaient couchés. Et ils arrivaient donc de toutes parts, tels que les hirondelles, au printemps, revenant fêter leurs vieux nids, emplissant le ciel bleu de la joie du retour. Continuellement, devant la ferme, des voitures débarquaient de nouveaux ménages, avec des troupeaux d’enfants, dont le flot de têtes blondes montait toujours. Des arrière-grands-pères, aux cheveux de neige, amenaient des tout-petits qui marchaient à peine. Il y avait de très jolies vieilles que des jeunes filles, de fraîcheur éclatante, aidaient à descendre. Des mères étaient enceintes encore, des pères avaient eu l’idée charmante d’inviter les fiancés de leurs filles. Tout cela était parents, engendrés les uns par les autres, dans un écheveau inextricable, pères, mères, frères, sœurs,