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elle m’aguichait enfin. Je me disais : Toi, ma fille, tu perds ton temps, il y en a assez sur le pavé, que je ramasse, quand j’en ai besoin. » Et ça n’empêche pas que, ce matin, vous avez vu ça, j’ai sauté sur elle ; si bien que ca va se faire tout à l’heure, car elle a consenti à venir me retrouver, ce soir, dans un petit coin à moi… C’est une bêtise, tant pis ! On n’est pas de bois. Moi, lorsque l’envie d’une femme me prend, ça me rend fou. Les blondes, pourtant, ne sont guère mon affaire. Mais, celle-là, je suis curieux de la voir au lit. Hein ? qu’est-ce que vous en pensez, vous ? elle doit être amusante.

Puis, comme s’il oubliait un point important :

— Ah ! vous savez qu’elle a déjà vu le loup. Je me suis renseigné, elle couchait à seize ans avec le garçon du marchand de vin, qui loue aux Moineaud les trois petites pièces, où toute la nichée s’entasse… Des vierges, ce n’est pas mon goût, et d’ailleurs il n’en faut pas : c’est trop grave.

Mathieu, qui écoutait un peu gêné, dans un malaise d’esprit et de chair, demanda simplement :

— Eh bien ! et votre femme ?

Du coup, Beauchêne s’arrêta sur le trottoir, interloqué un instant.

— Comment, ma femme ? que voulez·vous dire, avec ma femme ?… Naturellement, ma femme est chez nous, elle va se coucher et m’attendre, après s’être assurée que notre petit Maurice dort bien… Ma femme est une honnête femme, mon cher, que voulez—vous que je vous dise de plus ?

Et, reprenant sa marche, devenant de plus en plus tendre et confidentiel, dans l’étourdissement des vins et des viandes, que l’air du pavé parisien, à cette heure de nuit, semblait aggraver :

— Voyons, voyons ! nous ne sommes pas des enfants, nous sommes des hommes, que diable ! Et la vie est la vie,