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certitude qu’il la soumettra et qu’il la peuplera. »

Il y eut un silence. Un grand souffle avait passé, tout le souffle de l’infini, venu de là-bas, du mystère des plaines vierges. Et la famille suivait l’enfant, un des siens, qui s’en allait, par les déserts, porter la bonne semence humaine, sous le ciel immense.

« Ah ! murmura Benjamin, ses beaux yeux ouverts largement, fixés au loin, au bout de la terre, ah ! qu’il est heureux de voir d’autres fleuves, d’autres forêts, d’autres soleils ! »

Mais Marianne avait frissonné.

« Non, non ! petit, il n’y a pas d’autres fleuves que l’Yeuse, pas d’autres forêts que nos bois de Lillebonne, pas d’autre soleil que le soleil de Chantebled… Viens encore m’embrasser, embrassons-nous tous encore une bonne fois, et je vais guérir, et nous ne nous quitterons plus jamais, jamais ! »

Les rires recommencèrent avec les embrassades. Ce fut une grande journée, la date d’une victoire, la plus décisive que la famille eût remportée sur elle-même, en ne permettant pas à la discorde de la détruire. Désormais, elle était inexpugnable, souveraine.

Au crépuscule, le soir de ce jour, Mathieu et Marianne se retrouvèrent comme la veille, la main dans la main, près de la fenêtre d’où ils voyaient le domaine se dérouler jusqu’à l’horizon, cet horizon derrière lequel Paris soufflait sa grande haleine, la nuée fauve de sa forge géante. Mais combien peu cette soirée sereine ressemblait à l’autre, et quelle félicité les inondait, quel espoir infini de l’œuvre bonne et désormais certaine !

« Te sens-tu mieux ? Sens-tu tes forces revenir, ton cœur battre librement ?

— Oh ! mon ami, je me sens guérie, je ne mourais que de ma peine. Demain, je serai forte. »

Alors, Mathieu tomba dans une grande rêverie, en face