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« Écoute donc, Benjamin, reprit brusquement Ambroise, toi qui t’intéresses à notre vaillant Nicolas, veux-tu de ses nouvelles ? J’en ai d’avant-hier… Et c’est bien juste que je parle un peu de lui, car il est le seul de la couvée, comme dit maman, à ne pouvoir être ici. »

Aussitôt, Benjamin se passionna.

« C’est vrai, il t’a écrit ! Que dit-il ? Que fait-il ? »

Il avait gardé une émotion vive du départ de Nicolas pour le Sénégal. Il n’avait pas douze ans alors, et cela datait de neuf ans bientôt, mais la scène était restée en lui, toujours présente, avec l’adieu à jamais, le coup d’aile dans l’infini du temps et de l’espoir.

« Vous savez, se mit à conter Ambroise, que je suis en relation d’affaires avec Nicolas. Oh ! si nous avions, dans nos colonies quelques gaillards de son intelligence et de son courage, nous ramasserions vite, à coups de râteau, les richesses éparses de ces terres vierges, où elles dorment inutiles. Quant à moi, si ma fortune se décuple, c’est que j’en emplis mes granges… Notre Nicolas s’était donc installé au Sénégal, avec sa Lisbeth, une compagne taillée pour lui. Grâce aux quelques milliers de francs, qu’ils possédaient à eux deux, ils avaient établi un comptoir, leur négoce prospérait. Mais je sentais bien que le champ y était encore trop étroit, le ménage devait rêver de conquérir plus de libre espace, de défricher plus d’inconnu… Et, tout d’un coup, voilà que Nicolas m’apprend son départ pour le Soudan, pour la vallée du Niger, à peine ouverte d’hier. Il emmène sa femme, les quatre enfants qu’il a déjà, ils s’en vont tous au hasard de la conquête, en pionniers de vivante audace tourmentés du besoin de fonder un monde… J’en suis resté un peu suffoqué, car c’est une vraie folie. Mais, tout de même, il est crâne, notre Nicolas, et ça m’a enthousiasmé, moi, l’énergie active, l’admirable foi de ce brave frère, qui part ainsi pour une terre inconnue, avec la tranquille