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« Vous n’avez pas eu d’enfant, de votre mariage ? » demandait-il, voulant dire quelque chose et ne trouvant que cette question, dans sa hantise.

Elle s’égaya de nouveau, montra ses dents, qu’elle avait blanches encore.

« Oh ! non, monsieur Froment, ce n’est plus de mon âge. Et puis, vous savez, il y a des choses qu’on ne recommence pas… À propos, Mme Bourdieu, la sage-femme que vous avez connue, je crois, est morte du côté de chez nous, dans une propriété où elle était venue vivre, il y a longtemps déjà. Elle a eu plus de chance que l’autre, la Rouche, une bien brave femme pourtant, mais trop obligeante tout de même. Vous avez dû voir son procès dans les journaux, elle a été condamnée à de la prison, avec un médecin, un nommé Sarraille, à cause de choses vraiment pas propres qu’ils avaient faites ensemble. »

La Rouche ! Sarraille ! Oui certes, Mathieu avait suivi le procès de ces deux malfaisances sociales, qui devaient se rejoindre. Et quel écho ces deux noms réveillaient dans le passé, en lui en rappelant deux autres : Valérie Morange ! Reine Morange ! Déjà, dans la cour de l’usine, il venait de voir passer le fantôme indistinct de Morange, le comptable ponctuel, timide et tendre, qu’un vent de malheur et de folie emportait aux vagues ténèbres. Brusquement, il reparaissait ici, ombre errante, victime sans repos de toute l’ambition imbécile, de toute l’effrénée jouissance d’une époque, pauvre être médiocre si sauvagement puni du crime des autres qu’il ne pouvait sans doute dormir dans la tombe où il s’était jeté sanglant, les jambes rompues. Et Mathieu vit aussi passer le spectre de Sérafine, la face douloureuse et farouche du désir infécond, qui ne peut s’assouvir, et qui en meurt.

« Enfin, monsieur Froment, excusez-moi de m’être permis de vous arrêter… Je suis contente, très contente de vous avoir revu. »