Page:Zola - Fécondité.djvu/712

Cette page n’a pas encore été corrigée

bordure sur le quai, il retrouvait aussi cet hôtel de briques, encadrées de pierre blanche, dont Constance se montrait si orgueilleuse, où elle recevait en reine de l’industrie, dans son petit salon tendu de soie jaune. Huit cents ouvriers travaillaient là, le sol tremblait d’un branle continuel, la maison était devenue la plus importante de Paris, celle d’où sortaient les grandes machines agricoles, les puissantes ouvrières de la terre. Et c’était son fils que la fortune avait fait prince indiscuté de la construction mécanique, et c’était sa belle-fille qui recevait dans le petit salon de soie jaune, avec les trois beaux gaillards, ses enfants !

Puis, comme Mathieu, attendri par le souvenir, regardait, sur la droite, le pavillon qu’il avait occupé avec Marianne, où Gervais était né, il fut salué par un vieil ouvrier qui passait.

« Bonjour, monsieur Froment. »

Il reconnut Victor Moineaud, âgé de cinquante-cinq ans déjà, plus vieilli, plus ruiné par le travail que son père autrefois, lorsque la mère Moineaud venait offrir au monstre la chair encore trop jeune de ses garçons. Entré à seize ans, il avait, lui aussi, près de quarante ans de forge et d’enclume. C’était le recommencement de l’inique destin, tout l’écrasant labeur tombant sur la bête de somme, le fils après le père broyé, hébété sous la meule de misère et d’injustice.

« Bonjour, Victor. Vous allez toujours bien ?

— Oh ! monsieur Froment, je ne suis plus jeune. Va falloir que je songe à faire mon trou quelque part… Pourvu encore que ce ne soit pas sous un omnibus ! »

Il faisait allusion à la mort du père Moineaud, qu’on avait fini par ramasser sous un omnibus, rue de Grenelle, les deux jambes rompues, le crâne ouvert.

« Après tout, reprit-il, mourir de ça ou d’autre chose ! C’est même plus vite fait… Le père avait eu la chance,