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me trouves encore garçon, c’est lundi seulement que j’irai reprendre Marthe et les trois enfants à Dieppe, où ils ont passé un mois de septembre admirable. »

Puis, il devint sérieux, il s’inquiéta, dès qu’il sut sa mère souffrante, en danger.

« Maman souffrante, en danger ! Que me dis-tu là ? Je la croyais fatiguée simplement, une indisposition sans conséquence… Voyons, père, qu’y a-t-il donc ? Vous vous cachez donc, vous avez donc quelque chagrin ? »

Et il écouta le récit très net, très complet, que Mathieu dut se décider à lui faire. Ce fut pour lui une grosse émotion, comme la découverte d’une catastrophe possible, dont la menace maintenant allait l’empêcher de vivre. Et il se récria, pris de colère.

« Comment ! mes frères en sont à ce bel ouvrage, avec cette querelle imbécile ! Je savais bien qu’ils ne s’entendaient plus, on m’avait appris des détails qui m’attristaient, mais jamais je ne vous aurais crus, maman et toi, frappés au point de vous enfermer, et d’en mourir… Ah ! non, ah ! non, il faut mettre ordre à cela ! Je veux tout de suite voir Ambroise. Allons lui demander à déjeuner, et qu’on en finisse ! »

Il avait quelques ordres à donner, Mathieu descendit l’attendre dans la cour de l’usine. Et, là, pendant les dix minutes qu’il promena sa rêverie, tout le passé lointain s’évoqua. Il se revoyait employé, traversant chaque matin cette cour, en arrivant de Janville, avec les trente sous de son déjeuner dans la poche. C’était bien le même coin de royaume, le bâtiment central orné de sa grosse horloge, les ateliers, les hangars, une petite ville de bâtisses grises, surmontées des deux immenses cheminées, sans cesse fumantes. Son fils avait encore élargi cette ville du travail, de récentes constructions achevaient d’utiliser le vaste terrain en équerre, sur la rue de la Fédération et sur le boulevard de Grenelle. Et, occupant la pointe, en