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Il s’écoula des années encore, et Mathieu avait soixante-huit ans déjà, Marianne soixante-cinq, lorsque, dans la fortune croissante qu’ils devaient à leur foi en la vie, au long courage de leur espoir, une lutte dernière, la plus douloureuse de leur existence faillit les abattre, les coucher au tombeau, désespérés, inconsolés.

Marianne un soir, s’était mise au lit, frissonnante, éperdue. Tout un déchirement se produisait, s’aggravait dans la famille. Une querelle désastreuse, peu à peu exécrable, avait exaspéré le Moulin, où Grégoire régnait, contre la ferme, que dirigeaient Gervais et Claire ; et, pris pour arbitre, Ambroise, de son comptoir de Paris, avait encore soufflé sur la flamme, en jugeant avec sa carrure de grand brasseur d’affaires, sans tenir compte des passions allumées. C’était au retour d’une démarche secrète, faite près de celui-ci par Marianne, en un désir maternel de paix. Qu’elle venait de s’aliter, frappée au cœur, terrifiée du lendemain. Il l’avait reçue presque brutalement, elle rentrait avec l’affreuse angoisse de sa propre chair arrachée et saignante, de ses fils ingrats, qui se querellaient, qui se dévoraient. Aussi ne s’était-elle plus relevée, suppliant Mathieu de se taire, lui expliquant qu’un médecin était inutile, lui jurant qu’elle ne souffrait pas, qu’elle n’avait aucune maladie.

Et elle s’éteignait, il le sentait bien, elle le quittait un peu tous les jours,